Wednesday 3 February 2010

Irak: La campagne législative en pays turkmène – 3 questions au Dr. Hassan Aydinli, représentant du Front turkmène en Europe

Gilles Munier




Dr Hassan Aydinli, Représentant du Front Turkmène Irakien (ITC)
en Europe







Nouvelles d’Irak
La campagne législative en pays turkmène




Gilles Munier





Mardi 2 février 2010



3 questions au Dr. Hassan Aydinli Représentant du Front Turkmène Irakien en Europe

1) Combien de partis turcomans seront représentés aux prochaines élections législatives, dans quelles coalitions ?



Il y a deux catégories de partis :
- Ceux créés par les Turkmènes eux-mêmes et qui défendent réellement la cause turkmène.
- Ceux formés et financés par les Kurdes (Barzani et Talabani). Ils n’ont de Turkmène que le nom et sont au service des intérêts kurdes.



Dans la première catégorie, il y a :



- Le Front Turkmène Irakien est une organisation politique composée de plusieurs partis et associations civiles turkmènes, présidé par le Dr. Saadettin Ergeç. Le Front Turkmène Irakien présente sa propre liste dans la province d’Erbil, partout ailleurs en Irak, le Front Turkmène Irakien est entré en coalition avec la liste Iraqiya menée par Monsieur Iyad Allaoui.


- L’Union Islamique des Turkmènes d’Irak, parti présidé par Monsieur Abbas al-Bayati. Il présente ses candidats et est entré en coalition avec la liste de Dawlat al-Kanoun menée par Nouri al-Maliki.



- Le parti AlKarar al Turkmani, présidé par Monsieur Farook Abdullah, fait également partie de la coalition Dawlat al-Kanoun de Nouri al-Maliki.



- Le Parti de Türkmeneli présidé par Monsieur Riyad Sarikahya se présente aux élections dans la coalition menée par Ammar al-Hakim, chef du Conseil suprême islamique irakien.



- Le mouvement sadriste turkmène de Monsieur Fawzi Akrem Terzi, fait aussi partie de la coalition d’Ammar al-Hakim. Il est tête de liste dans la province d’Erbil.



- Le Parti d’Adalat Turkmène, présidé par Monsieur Anwar Bayrakdar est entré dans la coalition d’Al –Tawafuk Al-Iraqi de Ussama Tawfiq Mukhlif.


Les autres partis, soi-disant turkmènes, se présentant aux prochaines élections sont au nombre de trois. Ils sont tous dans la coalition kurde Barzani + Talabani. Je ne tiens ni à retenir leurs noms, ni à dire quoi que ce soit à leur sujet. Pour nous, ce sont des partis « cartooniques », c’est-à-dire fabriqués par les Kurdes pour diviser les Turkmènes et assimiler ceux qui sont sous leur contrôle, ou qu’ils emploient.



2) Quelles sont leurs principales revendications



Les principales revendications des six partis que j’ai cités sont :



- Préserver l’unité de l’Irak.



- Faire reconnaître les Turkmènes d’Irak comme étant la troisième communauté principale d’Irak avec des droits et des devoirs égaux à ceux reconnus aux Arabes et aux Kurdes en Irak, notamment la reconnaissance de la langue turkmène (le Turc) comme la troisième langue officielle du pays, la participation effective de la communauté turkmène à tous les niveaux du pouvoir en Irak par l’inclusion de leurs représentants politiques dans les organes suprêmes qui dirigent le pays, comme le Conseil de la Présidence, le Conseil du gouvernement, la Présidence du Parlement, le Conseil supérieur de la justice, les états majors de l’armée, de la police et de la sécurité. Les Turkmènes sont exclus de ces organismes depuis l’invasion de l’Irak car le pouvoir politique, sous l’occupation anglo-américaine, dès le 9 avril 2003, a été attribué sur une base ethnico-confessionnelle et exclusivement aux partis ayant collaboré avec les occupants (Kurdes, chiites, et sunnites).



- Modifier la constitution irakienne ou bien écrire une nouvelle constitution moderne compatible avec notre temps en éliminant les terminologies absurdes inclues dans l’actuelle, notamment les territoires contestés et les articles périmés, comme l’article 140 qui concernait l’avenir de la province de Kirkouk, dénommée Al-Tamim par le régime précédent en 1972. La question centrale est l’avenir et l’appartenance de sa capitale, Kirkouk, avec ses énormes gisements pétroliers qui est historiquement et culturellement turkmène depuis plus de 8 siècles.



Il est nécessaire de rappeler que Kirkouk a subi deux politiques successives de modifications ethniques ces quatre dernières décades : une politique planifiée d’arabisation systématique et de modification ethnique en faveur des Arabes par le régime précédent entre 1968 et 2003 ; puis une politique préétablie de kurdification et de modification ethnique en faveur des Kurdes. Cette dernière a été plus étendue, plus rapide et plus violente que la précédente. Sa mise en œuvre a débuté le 10 avril 2003 avec l’accord et la complicité des forces d’invasion américaines, quand les milices des partis kurdes « peshmerga » de Barzani et Talabani ont occupé Kirkouk.



- Obtenir pour les Turkmènes d’Irak l’autonomie culturelle dans leur région, c’est à dire la région à majorité turkmène d’Irak appelée la Turkmeneli, située entre celle à majorité arabe et celle à majorité kurde. La Turkmeneli s’étend de Tel Afar à l’ouest de Mossoul jusqu’à Bedre, à l’est de Bagdad.



- Récupérer toutes les propriétés et les terres agricoles appartenant aux Turkmènes qui ont été confisquées par le régime précédent et qui n’ont pas encore été libérées ou rendues.



- Récupérer toutes les propriétés et les terres agricoles appartenant aux Turkmènes qui ont été occupées et confisquées par les milices kurdes depuis le 10 avril 2003.



- Libérer l’Irak des forces d’occupation étrangères.



- Faire de l’Irak un pays unifié, démocratique et moderne, où tous les citoyens seront égaux.





3) Qu’en est-il de la situation à Kirkouk ?



La situation actuelle à Kirkouk, qui perdure depuis le 10 avril 2003, n’est ni satisfaisante ni acceptable pour les Turkmènes. Depuis cette date, Barzani et Talabani ont été autorisés, en collaboration avec l’occupant, à installer leurs peshmergas et plus de 600.000 individus venus de la région autonome kurde pour modifier la composition démographique de la ville. Parmi eux, il y a même des Kurdes non-Irakiens… Cette situation, intolérable, est également dénoncée par les Arabes de Kirkouk.



Si la nouvelle loi électorale a été aussi difficile à être votée, c’est bien à cause de sa contestation par les Turkmènes et les Arabes de Kirkouk. Grâce à elle, le résultat des élections pour la province ne sera valable qu’un an. Il sera conditionné à la vérification de l’authenticité des listes d’électeurs établies par les autorités kurdes. S’il s’avère qu’elles ont été gonflées en faveur des Kurdes, une nouvelle liste sera établie et de nouvelles élections législatives auront lieu.



Nous, Turkmènes, espérons que les élections législatives du 7 mars 2010, qui se dérouleront selon le principe de listes ouvertes, amèneront au parlement une équipe plus patriotique et nationaliste irakienne et moins confessionnelle. Nous espérons qu’elle maintiendra Kirkouk dans un Irak unifié. Nous espérons enfin que la nouvelle majorité rejettera catégoriquement la revendication hégémonique et injustifiée des Kurdes sur la ville et sur les soi-disant « autres territoires contestés ».



© G. Munier/X.JardezPublié le 2 février 2010 avec l’aimable autorisation de Gilles Munier
http://www.france-irak-actualite.com/article-irak-campagne-electorale-en-pays-turkmene-44102360.html

(31/1/10)

Lire aussi :
Les Turcomans : peuple oublié ou marginalisé (mai 2007)
http://www.france-irak-actualite.com/pages/turcomans-peuple-oublie-ou-marginalise-mai-2007--1982366.html
Interview du Dr. Hassan Aydinli (janvier 2005)
http://www.france-irak-actualite.com/pages/Turcomans_Interview_du_Dr_Hassan_Aydinli_20105-1985558.html


Source : Bulletin des Amitiés franco-irakiennes

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